L’ORGUE :

un peu de son histoire, l’origine

Dès le XVIème siècle, vers 1510, la basilique fut dotée d’un orgue.
À peine le transept achevé et fermé par une palissade, un instrument fut installé à l’endroit même où trouveront place tous les instruments qui lui succèderont. De ce premier instrument détruit pendant le saccage de la ville et de l’église en 1635, il ne subsiste absolument aucune trace. Seule l’ancienneté de l’escalier d’accès et quelques archives de paiement d’un organiste sont là pour attester de sa présence.

L’orgue de Chrétien DOGNON

Rapidement, après le vandalisme de 1635, un orgue fut commandé au facteur nancéien Chrétien DOGNON, en 1642, l’église n’était recouverte que d’un toit de planches. DOGNON établit un orgue d’une vingtaine de jeux dans le plus pur style français du 17ème siècle. Cet instrument va survivre jusqu’en 1846 grâce aux bons soins de Jean François VAUTRIN qui entretenait l’orgue depuis 1800 environ, facteur d’orgue de Nancy et ancien ouvrier des célèbres frères DUPONT auteurs des orgues des cathédrales de Nancy, Toul et Verdun.

L’orgue de Joseph CUVILLIER

Vers 1845, l’orgue montre des signes évidents de délabrement. L’organiste Joseph BARBIER se plaint du mauvais fonctionnement de l’orgue. Joseph CUVILLIER, originellement tourneur sur bois, ayant hérité de la clientèle de VAUTRIN chez qui il a appris son métier, est tout naturellement pressenti pour construire un orgue neuf. Cependant pour faire bonne mesure, le conseil de fabrique fait établir un second devis par Joseph GEANT de Hautes Vigneulles près de Saint Avold. D’emblée apparaissent quelques écueils sur la route de la reconstruction. Joseph REGNIER ancien avocat, devenu prêtre expert en orgues autoproclamé, réfute le choix de la paroisse. Pour lui, CUVILLIER est un facteur passéiste et démodé. Il lui préfère des facteurs alsaciens tel STIEHR plus en phase avec leur temps. Le conseil et le curé tiennent bon et une convention synallagmatique est établie à partir du devis de CUVILLIER en 1847. Les travaux s’étalent sur trois années à partir de 1848.
Devant les sarcasmes de REGNIER, l’abbé LEBEGUE de GIRMONT, successeur à Saint Nicolas de l’abbé GUENIN initiateur du projet, décide de faire réceptionner les travaux par l’un des plus célèbres organologue* du XIXème siècle : Pierre Marie HAMEL.
*Organologie : étude des instruments de musique ; par extension, organologue : celui qui étudie les instruments.
Pierre Marie HAMEL (1786-1879) est né à Auneuil (Oise) dans une famille de gens de lois. Rapidement, il embrasse la carrière de magistrat et nommé juge près le tribunal de Beauvais en 1817. Cependant, il s’intéresse très tôt à la facture d’orgue dont il va maîtriser la théorie et la pratique avec aisance et rigueur. Au long de sa carrière, il va passer son temps entre les salles d’audience et les tribunes d’orgues. Son ouvrage clé est la reconstruction, avec le facteur COSSYN, du grand orgue de la cathédrale de Beauvais. Instrument prophétique de cinq claviers et pédale victime d’une guerre mondiale dont il ne reste que quelques souvenirs d’archives. Cet instrument va faire connaître P. M. Hamel des milieux organistiques et, rapidement, il va s’imposer comme un expert modèle de rigueur et d’équité conforté par sa stature d’homme de loi. Il décède à Beauvais.

P. M. HAMEL arrive donc sur place en juin 1851. Selon son habitude, il conduit l’expertise de fin de travaux avec minutie. Les conclusions sont favorables, (au grand dam de REGNIER présent. Hamel demande quelques améliorations à CUVILLIER et loue le buffet et sa belle exécution, sa MONTRE 16 en étain superbe. Il regrette un manque de puissance de l’instrument mais conclut « Il y a cette harmonie dévotieuse que l’on reconnaît chez les Maîtres en facture ». REGNIER ne pipe mot et contre signe.
HAMEL parti, REGNIER reprend son travail de sape et fini par faire évincer CUVILLIER en 1868 pour confier les travaux d’entretien à Jean Nicolas JEANPIERRE éminent facteur vosgien rencontré sur le chantier de l’orgue de Saint Jacques à Lunéville en 1852. JEANPIERRE pose une boîte expressive sur le clavier de récit, augmente les pressions et modifie l’harmonie. A partir de cette année, l’orgue de Saint Nicolas restera dans le giron de la manufacture vosgienne jusqu’en 1979 avec des intérims d’entretien par Georges CUVILLIER, Alexandre JACQUET de Bar le Duc, Charles DIDIER-VAN CASTER de Nancy…
L’orgue CUVILLIER est nettoyé et mis au ton moderne en 1923 par JACQUOT successeur de JEANPIERRE.
Cela sera le dernier grand travail effectué sur l’orgue de CUVILLIER avant le bombardement de la basilique en 1940.

L’orgue JACQUOT–LAVERGNE

Le bombardement de la basilique sonne le glas de l’orgue de CUVILLIER. Si l’église est fortement endommagée les détériorations subies par l’orgue ne sont pas irrémédiables : quelques éclats d’obus et surtout un empoussiérage massif dû à l’effondrement d’une travée de la nef… L’orgue est même quasi hors d’eau…mais un autre mal plus insidieux va en avoir raison !
La période de reconstruction des dommages de guerre fera plus de mal aux orgues que le conflit lui-même. La volonté de faire du neuf plus facile que la réhabilitation va prendre le pas sur de sages restaurations. Tant et si bien que l’instrument de CUVILLIER n’échappera pas à la règle. Prêt en atelier dès 1948-49, l’orgue de JACQUOT-LAVERGNE ne sera posé que bien après la fin des travaux de la reconstruction des voûtes soit en 1956 ! A l’image de la plupart des réalisations de cette maison, l’orgue livré montrera bien vite ses insuffisances : harmonie inaboutie, bâclée, système électropneumatique de transmission à fiabilité réduite. En 1976, coup de grâce, l’instrument est muet achevé par la fameuse sécheresse…
Quelques menus travaux exécutés par la maison GONZALEZ (rachat de JACQUOT-LAVERGNE en 1962) puis quelques rafistolages en hâte à l’initiative de l’organiste permettront tout de même à l’instrument de faire bonne figure lors des cérémonies du demi-millénaire de la basilique.

L’orgue HAERPFER

1983, le legs de Madame Camille CROUE–FRIEDMAN est débloqué par la ville de New York. L’idée germe immédiatement de la construction d’un nouvel orgue dans le superbe buffet de CUVILLIER qui reçu en son temps les éloges de HAMEL.
Après bien des tractations de coulisses, la reconstruction est confiée à la Maison HAERPFER de Boulay (Moselle) qui démonte l’instrument JACQUOT-LAVERGNE en 1987 laissant le buffet CUVILLIER vide. Le nouvel orgue est livré en 1993, inauguré en 1994…L’histoire ne se répète pas selon le dicton !
Hélas…Confié à une maison en fin de vie, elle est tenue à bouts de bras par le chef d’atelier compétant mais non soutenu par sa direction. La réalisation HAERPFER, malgré une expertise, va montrer ses faiblesses dues essentiellement à un sous traitant allemand qui livrera des tuyaux de façade neufs trop lourds, trop mous qui ne tarderont pas à s’affaisser devenant dangereux risquant de s’effondrer dans la nef. Les tuyaux de CUVILLIER bien qu’ayant survécu, seuls, aux travaux de JACQUOT-LAVERGNE ne furent pas conservés.

Les travaux de Michel GAILLARD des Ets AUBERTIN

A la fermeture de HAERPFER, l’entretien a été confié à l’entreprise GAUPILLAT de Noviant aux Prés. Après démission de cette dernière, l’organiste proposa huit entreprises. Seules deux répondront à l’appel d’offre de la ville.
L’entreprise AUBERTIN a été choisie en fonction de la qualité de ses réalisations. Au cours des entretiens successifs, Michel GAILLARD, harmoniste des Ets AUBERTIN confirme l’effondrement des tuyaux de façade mise en évidence précédemment.
Encore une fois, le legs CROUE-FRIEDMAN fut sollicité, l’orgue échafaudé, les tuyaux « malades » déposés. Tous les pieds ont été dessoudés, les biseaux renforcés de barres de cuivre ainsi que les têtes de tuyaux par des manchons de cuivre pour le renfort des anses de suspension.
L’harmonie de l’orgue a été entièrement reprise, la pression substantiellement augmentée (1,5) par Michel GAILLARD.
Les claviers ont été équipés d’un dispositif de réglage à fin d’adaptation à la dilatation de la charpente métallique de soutien (ancien point noir de la reconstruction HAERPFER).
Les travaux d’harmonie des jeux exécutés passionnément par Michel GAILLARD ont permis un accroissement sensible de puissance, une plus grande noblesse des timbres plus variés et différenciés : une meilleure définition du son dans la basilique.
Mon Vœu : « Puisse, enfin, cet orgue passer les prochaines décennies sans encombre… »
Bénit et inauguré dans sa nouvelle expression par Monseigneur Jean Louis PAPIN, évêque de Nancy et de Toul, le 22 mai 2011.

 

Texte de Sylvain LAUVERGNAT, titulaire de l’orgue de la basilique SAINT NICOLAS.